• http://www.youtube.com/watch?v=jxNQvurCqFo

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    Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'’ai une gueule d’'atmosphère?<o:p></o:p>

    La célèbre réplique d'’Arletty dans Hôtel du Nord, de Marcel Carné (1938).<o:p></o:p>

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    Atmosphère des petits matins sous la fraîcheur du printemps ou la moiteur du début d'’été, baignée dans les odeurs champêtres mêlées à celles des pommades chauffantes ou protectrices ; à l'’horizon on devine par-dessus les haies les lueurs pâlottes annonçant l’'aube naissante, sous un brouhaha silencieux parmi lequel on perçoit régulièrement les pépiements d'’oisillons réclamant leur becquée dans les nids ou quelques chants de coqs lointains sans doute éveillés prématurément par l'’agitation inhabituelle de ce coin de campagne, le mouvement des voitures et les aboiements des chiens de fermes dérangés eux-aussi dans leurs habitudes.<o:p></o:p>

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    Atmosphère d’'avant course, marathon de campagne ou 100km, plus que quelques minutes et ce sera le départ pour le Grand voyage, celui pour lequel on s'’est tant investi, prêt à tout donner physiquement et surtout mentalement afin de supporter les innombrables souffrances. Il fait encore noir, mais on voit assez quand même la route et ce bitume qui nous fera l’'honneur de nous porter durant maintes et maintes heures. Les prudents ont prévu la frontale ce qui donne au départ des allures de rade avec ses nombreux phares.<o:p></o:p>

    Au clocher du village, la grande aiguille peu à peu se rapproche du 12 et les cloches vont bientôt sonner, coïncidant avec le coup de pistolet donnant le départ.<o:p></o:p>

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    Atmosphère de début de course : pan ! Ça y est, c'’est parti ! Le peloton s'’élance lentement au début puis après quelques hectomètres il a trouvé son allure de croisière.<o:p></o:p>

    La traversée du village sous l'oe’œil endormi et les applaudissements de quelques habitants réveillés par l’'agitation, les derniers lampadaires avant de se retrouver dans la pénombre, guidé par les coureurs de devant, puis les premiers reliefs dont on ne se rend pas encore bien compte de l'’importance : on est encore frais à cette heure, il ne s'’agit pas de dilapider inutilement ses forces dont on aura tant besoin dans plusieurs heures.<o:p></o:p>

    La route de chaque côté bordée de fossés la séparant des haies et des champs où paissent tranquillement quelques vaches qu'’on devine plutôt qu'’on ne voit, les odeurs fortes d'’épandage, d'’étables ou de porcheries, celles plus agréables des champs de choux, de blé ou des prairies, et puis ce silence où seuls résonnent la foulée et le souffle du coureur se retrouvant vite seul. <o:p></o:p>

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    Atmosphère ! Ce grand voyage prend vite l'’allure d'’une promenade touristique, les paysages changeant au gré de l’'itinéraire, ici, point de place à la monotonie. On a beau connaître un parcours par coeœur, il y a toujours quelque chose à y redécouvrir. Il y a aussi le plaisir à y retrouver des éléments oubliés depuis la dernière édition et qu'’on se remémore quand vient le moment de passer à côté. C'’est le petit calvaire situé à l’'embranchement de deux petites routes, c'’est la petite ferme et son étang bordé d’'arbustes qui d’'année en année s’'embellit plutôt que ne vieillit, c’'est le vieux tracteur qui sert d'’éclairage au carrefour où l'’on n’a pas intérêt à perdre son chemin en empruntant une mauvaise route, c'’est le petit lotissement qui encore il y a peu - l’'an dernier par exemple - était en construction et qui aujourd’hui est habité, c'’est la route toujours aussi cabossée, parfois raccommodée, jonchée de ses éternelles bouses de vaches…<o:p></o:p>

    Déjà le panneau du 5ème kilomètre, comme le temps passe vite quand notre esprit vagabonde, quand le corps a trouvé son équilibre, son aisance dans l'’allure, celle qu’'on pourrait tenir des heures et des heures … Premier ravitaillement, retour à la civilisation, ambiance chaleureuse, encouragements et c'’est reparti pour la seconde partie de la visite. Bientôt un nouveau village sera traversé, le jour ayant commencé à se lever, les cloches ayant sonné la demie, on aperçoit le clocher et les premières habitations au détour d’un virage. Quelques matinaux sont là aussi pour regarder cette étrange cohorte bariolée qui souffle et avance en silence.<o:p></o:p>

    La sortie d'’un village, comme lors d'’un passage de frontière, laisse apparaître un nouveau paysage, parfois plus vallonné, et plus boisé peut-être aussi. Finis les champs, les vaches ou autre fermettes, place à la forêt, aux rivières, aux petites demeures nichées dans les bois. La route monte, le souffle se fait plus court, la foulée plus laborieuse, mais au sommet de la côte, un nouveau paysage se découvre. Après la descente sinueuse et le passage de la rivière, une plaine s'’étend à perte de vue. Seule la mer au loin vient trancher avec les coloris jaunâtres de l’'aube brumeuse éclairée par les premiers rayons du soleil. <o:p></o:p>

    Le vent lui aussi s'’est réveillé, traduisant la proximité de la côte. Au loin, un village par lequel on passera tout à l’heure, dans une heure ou deux. D'’ici-là, il faudra continuer à avancer sans penser à l’'effort, juste en équilibre sur ce fil ténu que constitue son propre rythme de croisière.<o:p></o:p>

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    Une fois le village aperçu au loin, il y a quelques heures déjà, atteint, la matinée est bien entamée. Les odeurs, les sensations, les bruits, la luminosité, la chaleur … en un mot : l’'atmosphère n'’est plus comme avant, comme lors de ces deux ou trois heures « magiques » de début de course.<o:p></o:p>

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    Sur marathon, la course est bientôt finie, sur 100km elle n'’est qu'’à peine commencée. Sur marathon, il faut composer avec les premiers doutes, les premiers signes précurseurs d'’un possible fléchissement. Mentalement le décompte s'’est installé et ce contre-la-montre, ce « contre-soi-même » va rendre la fin du voyage difficile. Le paysage ne compte plus guère, l'’atmosphère sera ressentie de manière plus excessive, le peu de chaleur devenant « canicule », le moindre vent se transformant en vent violent, la simple petite dénivellation prenant la dimension de grosse côte… Tout sera amplifié, l'’atmosphère sera déformée. Mais quel soulagement quand la ligne d'’arrivée sera franchie !<o:p></o:p>

    Lors d’un 100km, cet état n'’apparaît pas ou pas si tôt dans la course, c’'est qu'’il reste encore plus de 50km à parcourir et l'’écoute de ses sensations doit se poursuivre tout en profitant de l'’ambiance environnante. Quand le parcours propose deux boucles on repasse là où le matin on avait ressenti quelques frissons devant la beauté de l’'éveil du jour. A cette heure, ce ne sont plus les mêmes frissons, la fatigue et une certaine lassitude jouant de concert pour perturber la perception des éléments environnants. Le matin paraît loin, comme s'’il s’agissait d'’un autre jour, d’'une autre course. L’'atmosphère a encore changé. On serre les dents. Jusqu’'à quand vais-je tenir sans trop de difficultés ? Comment vais-je supporter les premiers signes de fatigue et les douleurs qui vont les accompagner ? Mieux vaut ne pas y penser et profiter du temps présent.<o:p></o:p>

    Deux tiers de la course sont passés, les gens déjeunent pendant qu’'on continue notre lente et laborieuse progression. De temps à autre, à la belle saison, les grillades des barbecues se font sentir quelques mètres avant de passer devant un pavillon où les occupants nous encouragent tout en prenant l’'apéritif. On se demande ce qu’'on fait là, mais c’'est notre choix de vie. Dans deux ou trois heures nous aussi on aura le loisir de prendre notre temps, une fois la course terminée, mais là en attendant, il ne s'’agit pas de fléchir ni de se laisser aller, il faut s'’accrocher, continuer, malgré les difficultés croissantes, la foulée plus lourde, la stature de plus en plus courbée sous le poids des kilomètres. Sur les parcours en trois ou quatre boucles, on revoit des gens croisés tôt le matin. Nous reconnaissent-ils ? Nous, oui, car le format de la course développe notre capacité d'’attention et de mémorisation de certains détails, parfois insignifiants. Celui qui tondait sa pelouse lors de la 2ème boucle est entrain de ramasser l'’herbe et de la mettre dans sa remorque lors de notre 3ème passage et quand on en sera au dernier passage, il n'’y aura plus trace de ce qu'’on a observé le matin.<o:p></o:p>

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    Atmosphère des derniers kilomètres, de la dernière heure, quand on est seul. Dans les haies on entend les insectes bourdonner, parfois un bruissement dans les fourrés nous surprend comme la fuite d’un lézard ou d’'une vipère au bruit de notre approche. La recherche de l’'ombre des arbres, nous fait aller tantôt sur la droite de la chaussée tantôt sur la gauche et ce long zigzag est parfois entrecoupé de course sur le milieu de la chaussée. Au loin, on aperçoit un compagnon de galère qu'’on va peut-être rattraper et avec qui on va peut-être décider de terminer la course.<o:p></o:p>

    La hâte d’'en finir va redonner des ailes et on se retrouve alors dans la même configuration que lors des derniers kilomètres d’un marathon. Mais, la capacité à accélérer pour finir n’'est pas la même et les kilomètres paraissent interminables.<o:p></o:p>

    L'’arrivée approche, l’'euphorie gagne du terrain, on retient ses émotions, on n'’a pas envie de tout lâcher avant d’avoir franchi la ligne, on revient progressivement sur Terre, comme si l’'on revenait d'’un voyage interstellaire, les spectateurs nous encouragent, nous redonnent ce dernier coup de fouet pour achever notre périple.<o:p></o:p>

    Là, ça y est, on est arrivé ! Quel bonheur ! Le chrono va peut-être parfois laisser des regrets, mais la première réflexion est de se dire qu’'on en a terminé.<o:p></o:p>

    Atmosphère des fins de courses où tout reste à faire : se ravitailler, aller rechercher ses affaires dans la voiture, aller prendre une douche, et puis une fois tout cela fini, prendre son temps, assister à l’'arrivée des poursuivants, discuter avec d’'autres coureurs … puis à un moment, il faudra bien penser à rentrer, c’est qu'’il y a du travail demain ou c'’est qu'’on a une petite famille qui nous attend à la maison.<o:p></o:p>

    Avec beaucoup de regrets, on doit s'’en aller, comme à la fin d’'une fête, laissant les autres « invités » continuer sans nous. <o:p></o:p>

    Mais c’'est décidé, pour revivre ça, pour retrouver cette atmosphère bien particulière de ces courses sur les routes de campagne, je reviens l'’an prochain.<o:p></o:p>

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    A+Fab***<o:p></o:p>


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