• CR des 24h de Portet sur Garonne, cadre des championnats de France 2014.

    J’avais coché cette date pour plusieurs raisons :

    -           les championnats de France, pour le club et pour moi, ça peut rapporter des points ;

    -          c’est le « pays » de JP mon copain TransEuroGaulois, là où il réalisa naguère une superbe performance ;

    -          mon frère devait me coacher, après une belle répétition lors du Téléthon à Ploëren (180km) ;

    -          la présence de presque tous les meilleurs français donc l’assurance d’être « aspiré » vers l’avant plutôt que repoussé vers l’arrière;

    -          la participation de nombreux amis coureurs, ce qui est un pléonasme dans l’ultra car on partage tous la même passion et au-delà d’une quelconque compétition entre-nous –nécessaire à mon avis - règne néanmoins une sympathique entente cordiale confinant la plupart du temps à de l’amitié ; (j’en vois qui lèvent la main, j’expliquerai après la leçon ;-)  )

    -          la possibilité d’avoir une météo propice sans gelées matinales ;

    -          etc.

     

    J’aurais pu choisir Rennes le week-end suivant, avec son nouveau parcours, j’aurais pu opter pour le doublé Portet-Rennes, mais mon choix était définitif : aller à Portet pour une performance. Je sais qu’en ultra, on peut viser un résultat mais sans assurance de l’atteindre, donc j’avais des plans de secours à mon Plan A.

    Plan A : franchir les 200km ;

    Plan B : franchir les 195km

    Plan C : battre mes 193,896km de Rennes

    Plan D : faire 190km, et ainsi de suite (NB : pour une lettre retirer 5km)

     

    Le seul souci consistait à se rendre à Portet, sachant que je finissais mon travail à 16h15, que le temps de rentrer à la maison, de charger mon véhicule et de me mettre en tenue de voyage ça allait prendre une demi-heure, donc avec mon frère nous avions prévu de quitter la banlieue nantaise aux alentours de 17h. Dans le planning de cette soirée de vendredi, il était envisagé de nous arrêter vers Bordeaux pour dîner vers 20h puis  vers Agen ou peu après pour dormir. Je n’avais pas réservé d’hôtel, je savais qu’il était possible de le faire en route via mon mobile.

    Le timing a été respecté mais le restaurant à Carbon Blanc fut plus long que prévu (un vendredi soir dans une pizzeria, c’est soir de fête pour beaucoup de familles avec jeunes enfants, donc le service traîne un peu en longueur). Passé 21h  nous reprîmes la route, la conduite étant assurée par mon frère pendant que j’allais essayer de dormir un peu. Cette partie du trajet était interminable et il fallut se mettre en quête d’un hôtel car je n’arrivais pas à dormir dans la voiture. Montauban fut choisie comme ville-étape de laquelle il ne resterait plus que 45’ de trajet le lendemain. L’arrivée à l’hôtel peu avant 23h30 fut un soulagement et je me couchai assez rapidement … pour ne pas réussir à trouver tout de suite le sommeil. Et quand je le trouvais et commençais à dormir profondément, je fus réveillé par les ronflements de mon frère qui occupait la même chambre. Pas de véritable nuit de repos, ça ne me mettait pas dans de bonnes conditions pour veiller plus de 24h.

     

    Le lever après cette moitié de demi-nuit fut difficile mais j’avais hâte de rallier le site de la course. J’enfilais ma tenue recouverte d’un survêtement, j’aurais ça de moins à faire dans le cas d’une arrivée trop tardive au stade. Après un copieux petit déjeuner à l’hôtel, nous nous mîmes en route et sans trop bouchonner, nous arrivâmes sur les lieux de ma future bataille contre l’horloge.

    Accueil impeccable, je retirai mes dossards et autres cartes d’accréditation, tickets de repas ou de petit déjeuner puis nous nous rendîmes à l’espace des ravitaillements personnels où je ne trouvai pas tout de suite mon emplacement : il n’avait pas encore été installé par manque de tables. Je piaffais d’impatience de tout positionner et d’enfin pouvoir me reposer. Je saluai beaucoup de monde, discutai rapidement avec quelques coureurs. Ma table était enfin livrée. Je plaçai ma tour à tiroirs, cadeau d’anniversaire de mes enfants, très pratique pour stocker tout mon matériel, nous installâmes nos fauteuils pour les moments de pause et pour que mon frère puisse dormir quand il serait fatigué (comme c’est lui qui devait conduire au retour, la consigne était qu’il devait d’abord penser à sa récupération, j’étais capable de m’autogérer pendant une partie de la nuit). Ensuite j’effectuai mes réglages (crémage des pieds et des zones à frottements, serrage des chaussures avec la puce à ne pas oublier, fixation des deux paires de dossards, l’une sur le maillot de club obligatoire pour les championnats de France, l’autre sur la ceinture porte dossard pour l’enfiler la nuit par-dessus le coupe-vent. Mon frère – alchimiste à ses heures perdues – remplissait mes bouteilles et m’en préparait assez pour que je tienne au moins 6h. Il les remplirait au fur et à mesure de l’avancée de la course et me les tendrait à chacun de mes passages si nécessaire.

    10h15, nous sommes tous partis vers le lieu où devait être donné le départ dans le centre ville de Portet. Petites allocutions des élus et autres partenaires puis déplacement vers l’endroit précis où se trouvait le départ de ces 24h.

     

    La météo était très bonne, il faisait doux et même chaud à l’abri du vent qui était assez soutenu.

    11h, coup de feu signalant le départ. On est parti vers le bord du fleuve, peu après la confluence d’avec l’Ariège. L’itinéraire nous fit cheminer un trop court moment dans ce cadre bucolique puis il s’infléchit pour nous mener au complexe sur le circuit de 1012m de tour que nous aurons à faire jusqu’à plus soif.

    Le premier passage sur la ligne après 2km en 12’13  puis une succession de tours en 6’ jusqu’à la 3ème heure. Le parcours ne présentait pas de difficultés particulières, il fallait juste faire attention à deux ou trois endroits pour ne pas se prendre les pieds dans des petits obstacles (seuil de portail recouvert d’une moquette dans lequel plusieurs ont buté et certains ont même chuté ; petits creux dans le revêtement pouvant faire faire un mauvais appui ; quelques zones recouvertes de graviers qui pouvaient entrer dans les chaussures ; bordures de trottoir saillantes qui pouvaient en cas d’inattention s’avérer des pièges et faire trébucher…). Le vent soutenu nous apportait de la fraîcheur et contrastait avec les zones abritées du vent où le soleil nous dardait ses rayons.

    Le passage à la troisième heure avec 29,360km de parcourus, j’étais dans mes temps, mais je commençais à ressentir une certaine lassitude qui me fit – sans que je ne le décide moi-même – ralentir la cadence. Les arrêts au ravitaillement personnel se firent plus nombreux et un peu plus longs que lors du début de course et j’atteignis la 6ème heure avec 54,680km au passage 4’ avant le quart de l’épreuve. Je n’étais même plus à 9km/h de moyenne en ce qui concerne mon allure sur les 3 dernières heures, mais ma moyenne globale restait quand même à plus de 9. Au classement, j’étais loin, très loin, mais ce n’est pas ce que j’étais venu chercher, sachant que le niveau était très relevé. J’étais juste à ma place.

    Avec mon frère comme coach, nous nous étions organisés pour qu’il me ravitaille en solide toutes les deux heures où je lui demandais de me faire préparer parle ravitaillement de l’organisation une purée bien salée avec du jambon. Le reste du temps, je prenais une petite bouteille de sirop de pamplemousse ou de grenadine ou de citron, j’avais le choix, ou un mini coca. Des KitKat (à ne pas confondre avec le Kitekat « bouffe à chats » style Ronron), des Bounty, ma boîte de bonbons Haribo, des compotes, des salades de fruits et des gâteaux, tout ça constituait le reste de mon ravitaillement personnel et comme d’habitude, j’en ramènerai plus de la moitié à la maison.

    Toujours pas de changement de tenue en vue, sinon qu’en fin d’après midi je mis une veste coupe-vent  légère après avoir enfilé un T-shirt sec à la place de mon maillot de club que je gardais pour la fin de course le lendemain matin.

    Passage de la 9ème heure avec 77km. La moyenne des 3 dernières heures avait chuté encore et n’était que de 8km/h. Mais je tenais encore mon objectif. Il fallait juste que je ne dilapide pas mon « avance » relative en route avec des arrêts non impératifs. Quelques pauses aux sanitaires avaient fait osciller mes temps au tour entre 6’ et 8’.

    L’ambiance était bonne, les bénévoles, les spectateurs, les accompagnateurs et même les coureurs avaient pour chacun un petit mot d’encouragement et je n’étais pas le dernier à leur rendre avec un sourire. On souffre peut-être, mais il faut savoir rester souriant. Plus tard, ce ne sera sans doute plus le cas, alors tant qu’on peut, on le fait.

    Le soleil avait déserté l’aire de compétition pour aller se recharger nous laissant avec nos coups de soleil et le vent mollissait peu à peu nous léguant la déshydratation progressive qu’il avait provoquée.

    C’était trop tard pour le regretter, mais je voyais bien que quelque chose de désagréable risquait de se produire au fil du temps. J’aurais dû aller un peu moins vite, j’aurais dû penser à plus m’hydrater, j’aurais dû et patati et patata, voilà que les idées négatives m’envahissaient. Stop, on arrête et on ne s’apitoie pas sur son sort, on se reconcentre et on avance !

     Mon objectif de passer les 100km en 11H-11h30 avait du plomb dans l’aile, j’espérais franchir cette marque avant la mi-course.

    De peu, j’ai raté ça, mais j’avais quand même couru plus de 97km en 12h. La bascule était faite, il ne restait que la descente avec des mini-objectifs intermédiaires. Les 100km furent dépassés en 12h20’.

    Après 13h de course (à minuit) : 103,3km, après 14h : 110km

    Je visais une cadence de 7 tours à l’heure, voire 6 dans le cas où je devrais m’arrêter plus longuement pour me changer ou pour me reposer un peu. C’était dur de lutter contre le sommeil, progressivement je me sentais de plus en plus fatigué et me surprenais à somnoler sur le circuit. Je marchais plus que je ne courais. Comme je le fais fréquemment, j’ai adopté ma démarche « petite vieille qui cherche ses lunettes » ce qui me faisait avancer quand même et quand j’essayais de reprendre la course, ça allait un peu mieux, jamais pour très longtemps. J’ai sorti toute ma panoplie des marches : athlétique « pure », athlétique « limite faute technique », celle du mec pressé qui ne veut pas arriver en retard au boulot, celle du mec pressé qui sait qu’il va être en retard au boulot mais qui aura essayé, celle du type qui flâne en bavardant (trop cool celle-là, mais peu efficace). J’ai aussi testé toutes les alternances course-marche possibles comme les 100m de course suivis de 50m de marche, ou 150/100 ou encore 200/100… quand peu à peu je m’aperçus des dégâts dans mon plan de course :

    15h : 116,5km - 16h : 121,5km - 17h : 127,6km – 18h : 132,6km – 19h 136,7km.

    Certains arrêts avaient duré jusqu’à 30’ (de 5h30 à 6h).

    Le dernier, de 6h45 à 7h15, marqua un tournant : je me sentais « réveillé » et donc pouvais commencer à colmater les brèches en me fixant des micro objectifs : passer les 140 puis les 145, les 150, 155, atteindre les 160 puis les 4 marathons (168,8) et une fois les 170 passés, il n’y avait plus assez de temps pour en rechercher un autre.. J’ai fait presque 28km lors des dernières 3h45 donc mon allure était d’environ 8km/h, voire plus en réalité car j’ai fait quelques arrêts pour me ravitailler.

    Le circuit s’est repeuplé progressivement, les dormeurs de longue durée souhaitant compléter ce qu’ils avaient laissé en plan la veille au soir.

    Les bénévoles ont eu aussi un rôle très important pour la motivation de chacun et à tous les tours au moment du passage aux stands, on recevait des bordées d’encouragements. C’est aussi ce qui m’a poussé à continuer à avancer surtout quand la motivation n’était plus très forte.

     

    Au final, je ne fais que 170,649km. Mais je m’en tire bien quand même. Je ne suis pas du style à arrêter au prétexte que ma performance ne correspondrait pas à ce que j’étais venu chercher.

    Cela fait plusieurs 24h que je n’arrive pas à bien gérer, surtout la nuit et une des pistes à travailler pour une future participation à ce double tour d’horloge sera de maîtriser le sommeil. Il faudra arriver frais et reposé ce qui n’était pas le cas. Mais quand je me suis inscrit, il y  longtemps déjà, je ne savais pas que mes activités professionnelles et associatives allaient me prendre tant d’énergie et je n’ai pas su, pu ou même voulu me reposer les quelques jours ou semaines qui ont précédé ces 24h.

    à+Fab******€*


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